Edito
Le
projet KEO été 2002
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Stéphanie,
Marie, Virginie et Marion...
Chaque
photo raconte une histoire…
« Je voulais
vous faire partager tout ce que nous avions vécu pendant deux
mois là bas. Ce que nous avions fait, les gens que nous avions
rencontrés,… mais cela me paraît vraiment trop difficile alors
je vais m’arrêter sur l’histoire d’un petit garçon, une histoire
qui m’a marqué et que je voudrais vous raconter…
Il s’appelle
Gobi, c’est un garçon de 5 ans qui a été recueilli par Jeeva
Jyothi il y a un an environ. Ses copains de chambre et lui nous
avaient organisé un petit spectacle lors d’une de nos visites.
C’était totalement inattendu et nous avons eu le droit à de
la danse, du chant, du théâtre,… enfin bref un réel spectacle
qui nous a tous émus puisque l’attention que ces gamins « abandonnés
» nous avaient portés nous avait vraiment touchée.
Puis, après
cette représentation, nous avons tous joué à la chandelle, Anais
les a maquillés, nous leur avons remis les jouets que nous leur
avions apportés,… ce fut une superbe matinée où nous avons connu
ces gamins très attendrissants, tellement fiers et joyeux d’avoir
une journée qui sorte un peu de leur ordinaire au foyer.
Ces enfants
ne sont pas tous orphelins ; pas mal d’entres eux ont été «
déposés » là par leurs parents incapables de s’en occuper, par
un voisin affolé par les traitements infligés à l’enfant, par
de la famille,… et, une fois par mois, les plus chanceux, reçoivent
la visite de leur famille.
Et, ce
samedi là, c’était au tour de Gobi. Ce petit garçon avait qui
j’avais joué et qui nous a lancé les sourires les plus ensoleillés
de toute la matinée recevait la visite de son grand père. Ils
se tenaient tous les deux dans le hall d’entrée de l’association,
puis Gobi est venu me donner des gâteaux que son grand père
venait de lui offrir ; le vieil homme m’a remercié, au nom de
Keo, de la matinée et de l’attention que nous portions à son
petit fils. Puis, il m’a expliqué calmement qu’il habitait loin
de Madras, qu’il venait le plus souvent voir son petit fils
et que c’était toujours une grande peine de le laisser là. Cependant,
sa femme et lui, après le départ de leurs enfants avaient récupéré
le frère du petit, déficient mental, étant ainsi contraints
de confier Gobi à Jeeva Jyothi. Un quart d’heure plus tard,
il s’est excusé et est reparti, laissant de nouveau Gobi au
soin de l’ONG.
C’est l’un
des moments les plus forts de ces deux mois indiens, un vrai
choc… Je revois encore le visage de ce grand père, la fierté
du gamin dans ses bras,… Je me souviens encore être partie me
cacher au plus vite dans la cour de l’ONG, m’allumer une cigarette
en tentant de me calmer. J’étais réduite à l’inutilité, à l’impuissance,
je ne pouvais rien faire, j’étais révoltée… Je sais désormais
que nous ne possédons pas les solutions à tous les problèmes,
que si nous avons un rôle à jouer pour les vies de ces petits
Gobi c’est de ne jamais oublier qu’ils existent.
Du haut
de notre occident, il nous est facile de ne pas le voir ; pourtant,
le partage est un geste si simple…Rien n’est fait en vain, de
chaque attention découle une amélioration. Merci à tous. »
Stéphanie
|
« Notre
première visite à ENEDSA School nous a mis dans la peau de la
Reine d’Angleterre en visite officielle. Nous nous sommes prêtés
au jeu sans trop de difficultés et non sans envie d’éclater
de rire. Sourires, présentation de chacun de nous classe par
classe, chansonnettes des enfants à moitié forcés par les professeurs.
Comme pour nous prouver qu’ils sont de bons élèves et par extension
de bons professeurs.
Pour clore
la visite « officielle »et après une séance photo plutôt mouvementée,
le professeur de sport de l’école a tenu à nous présenter le
Kho Kho (voir encadré ci-contre) en improvisant un petit match
avec ses équipes de filles et de garçons. Tous les enfants se
sont donc assis autour du terrain et le match a commencé à battre
son plein.
Peut-être
en opposition à cette situation assez inhabituelle et un peu
déroutante, nous n’avons pas été vraiment passionnés par cette
première représentation. C’était un jeu pour nous, nous n’y
avons pas trouvé un grand intérêt et avons préféré engager la
conversation avec les enfants autour de nous en toute ingratitude,
je l’avoue. Le caractère sportif de ce jeu ne nous est pas apparu
évident : « Un jeu sans ballon ? où l’on doit simplement s’attraper
? Oui d’accord, c’est une sorte de chat amélioré… »
Ce regard
furtif et superficiel a vite laissé place à un peu plus de subtilité.
Au fur et à mesure des journées passées à l’école à repeindre
le portail, nous observions le prof entraîner ses équipes après
la classe, leur parler comme à des grands, posément, sans sévérité,
écouté sérieusement par de grands yeux noirs ; nous nous sommes
intéressés à ce jeu et avons réalisé l’importance du Kho Kho
dans la vie et la construction de ces enfants. Ce coup d’œil
restrictif n’avait pas tenu compte du grand nombre de qualités
que requière et développe le Kho Kho. Si bien que nos coups
de pinceaux ont été bercés par le son clair et vif des « Kho
» lancés par les équipiers pour se passer le rôle du chasseur.
Ce sport, qui demande seulement un terrain et deux poteaux de
bois semble simple à première vue et dévoile sa complexité dès
que l’on y accorde un peu plus d’attention. Ce n’est d’ailleurs
pas sans raison qu’il se joue au niveau professionnel sur l’ensemble
du territoire Indien.
L’équipe
d’ENEDSA s’entraînaient dur pour le tournoi du district de Mysore
qui avait lieu très prochainement, pour passer ensuite au niveau
de l’état du Karnataka. Beaucoup d’enfants affirmaient d’ailleurs
vouloir être de futurs champions de Kho Kho comme nos chères
petites têtes blondes qui ne rêvent que de Zidane et d’Henry.
Le Kho Kho comme le football nourrissent les rêves de beaucoup
d’ enfants. Et c’est en partie pour cela que nous nous sommes
très vite transformés en fervents supporters de Kho Kho.
Mais ce
sport ne nous a pas séduit uniquement par la place qu’il occupe
dans les paysages social culturel et sportif indiens. C’est
en allant assister au tournoi du district auquel participaient
les équipes filles et garçons d’ENEDSA School que nous avons
découvert la complexité et la beauté de ce sport. Les règles
du Kho Kho sont précises et nombreuses, ce qui donne puissance
et suspense à ce jeu.
Nous avons
été émerveillés par la vivacité, la rapidité, la force et la
souplesse de ces silhouettes déambulant sur le terrain. Elles
étaient si petites, si fines par rapport à celles de leurs adversaires
pourtant du même âge. Cela s’explique peut-être parce que ces
derniers sont issus de la « middle class » indienne ; nourriture
et développement personnel étant intimement liés (la richesse
en Inde est souvent proportionnelle aux ventres bedonnants de
certains de ses habitants).
L’agilité
est une des qualités les plus requises pour cet exercice subtil
d’esquive. Le Kho Kho fait plus appel à la force mentale que
physique, les joueurs poursuivis doivent feinter l’adversaire
en « chasse » derrière lui. Nous sommes littéralement tombés
sous le charme de l’enthousiasme et de la générosité dégagés
par les enfants sur le terrain. Ils nous ont transformés en
vrais fans de Kho Kho criant et sautant à chaque moment extrême
des matchs. Notons que tous les matchs auxquels nous avons assisté
se sont déroulés dans un grand respect de l’adversaire. Les
équipes n’ont jamais fait preuve d’agressivité, les perdants
ont toujours accepté leur sort, sans jamais le contester. Pour
ma part, cela faisait longtemps que je ne m’avais pas eu autant
de frissons pour un match, cela remonte à mes années de baskets
en primaire…Nous avions envie que ces enfants gagnent. Simplement
pour vivre ce moment de bonheur avec eux.
Ce jour-là
l’équipe des filles d’ENEDSA fut la plus agile en remportant
la coupe du district. Quand aux garçons, ils l’ont effleurée
des doigts puisqu’ils ont été éliminés en finale. Merci pour
ces moments de bonheur qui m’ont un peu transporté en enfance.
De ces moments où il n’y a rien d’autre de plus important que
de jouer avec son équipe en donnant tout ce qu’il est possible
de donner. Pas pour le trophée, mais pour partager la joie de
la victoire. » En savoir
plus sur les règles du KHO KHO
Marie
|
«
La vue des sourires, des visages illuminés par notre venue que
tous vos dons ont permis, par tous ces objets si modestes et
dispensables à nos yeux et détenteurs de tant de bonheurs aux
leurs…
La vue de cette résignation dans le regard des femmes mêlée
parfois à une révolte, à une envie de tout quitter finalement,
mais qui restera secrète tant les sentiments ne doivent pas
se montrer, tant tout doit rester intérieur, caché aux yeux
de tous.
La vue aussi de toute cette misère que trahissent les fleuves
inondés de déchets, les rues défoncées, sales, irrespirables
tant elles sont polluées, mais malgré tout seul refuge à des
familles qui n’ont d’autres solutions dans cet univers surpeuplé
que le squatt d’un bout de trottoir qu’elles s’approprient faute
de mieux, faute de quoi que ce soit.
Et
ce goût, amer, quand tu rentres le soir après tout cela et que
tu t’endors dans un lit…après une douche. Ce « goût de dégoût
» lorsque tu parles avec ces enfants et qu’ils te livrent que
leur plus grand rêve est de pouvoir étudier, alors qu’il faut
en forcer d’autres dans nos villes « civilisées » qui ne veulent
pas aller à l ‘école et préfèrent passer leur temps à le gâcher.
Enfin, cette saveur aigre-douce quand les enfants t’entourent,
jouent avec toi qu’ils ne connaissent pas mais qu’ils adoptent
sans pudeur au bout de quelques instants, et qu’ils acclament
comme une star alors que tu n’as rien fait, alors que tout est
plus facile pour toi, et qu’ils te supplient d’emmener dans
ce pays lointain, pour eux inconnu, mais pourtant symbole de
bonheur et d’aisance juste parce que tu es blanc !
Alors
on te pare de fleurs et cette odeur enivrante se mêle à celle
de cet environnement de bidonville avec ses animaux errants,
ses eaux stagnantes, son absence de tout à l’égout et malgré
tout ses odeurs de gâteaux que les femmes te préparent pourvu
que tu t’arrêtes juste cinq minutes boire un thé et que tu leur
fasses l’honneur et le plaisir de t’asseoir sur la natte, qui
leur sert de lit, dans cette maison en boue séchée sans fenêtre
de 7 m2 .
Mais c’est aussi une odeur de révolte sous-jacente qu’on perçoit
devant la corruption des politiques préférant armer leur pays
plutôt que le nourrir ou encore entretenir tous ces temples
et ces palais de maharadjahs pendant que la population crève
de faim, de maladies.
Malgré tout c’est quand même l’odeur de peur qu’on détecte le
plus. La peur de la réincarnation si on ne se plie pas aux vouloirs
d’un des dieux qui t’a imposé cette vie là, la peur de faire
affront à une caste supérieure, la peur aussi pour les jeunes
femmes de ne jamais pouvoir se marier s’il leur est impossible
d’avoir l’argent suffisant pour leur dot, la peur des femmes
enfin qui malgré leur envie, ne peuvent s’épanouir dans cette
société complètement archaïque pourtant adulée par les occidentaux
qui te parlent de karma, d’ashram ou de je ne sais quoi encore
d’aberrant et qui ferment les yeux sur la vraie société indienne,
sur la condition de ces femmes qui sont traitées depuis toujours
moins bien que les vaches « sacrées »…
Mais
cette expérience nous a aussi permis d’entendre tous ces rires
d’enfants qui ne sourient que trop peu, de qui on ne s’occupe
pas assez et qui à 7, 8 ou 9 ans ont sur les épaules des responsabilités
d’adultes, d’écouter ces témoignages de femmes qui ne peuvent
s’émanciper vraiment, qui sont forcées d’épouser des hommes
qu’elles n’aiment ou qu’elles ne connaissent pas, qui en ont
marre de revêtir des saris, véritables uniformes, qui n’ont
pas le droit au travail ou même celui de choisir le nombre d’enfants
qu’elles devront mettre au monde sous la menace d’un mari dont
elles seront toujours l’esclave.
Mais c’est au doux son des chansons que les enfants auront fredonnées
lors de notre venue dans leur pays, des cris de joie lorsque
nous faisions les premières photos d’eux, et de toutes ces choses
qu’ils nous auront fait découvrir comme leur langue ou leurs
jeux que nous repensons à ce formidable moment de vie.
Enfin,
par toutes ces mains que nous avons serrées, qui ne voulaient
nous lâcher mais qui désiraient plus que tout nous emmener vers
leur monde d’enfant, nous réalisions que les poignées de main
de nos univers sont froides et si insignifiantes.
Keo
nous a permis de développer tous nos sens, de réaliser cette
première expérience humanitaire et toutes ces rencontres qui
resteront tant dans nos cœurs que dans ceux des femmes et des
enfants que nous aurons croisés. Et c’est grâce à tous vos dons
que cette belle première fois a pu exister et que quelques yeux
ont vu la lumière (quelques instants dans ce sombre quotidien),
qui a fait naître en eux bien des rêves. Merci à vous.
Virginie
|
« Nous
sommes allés à la rencontre de la pauvreté, nous y avons trouvé
des trésors.
Nous voulions donner, même peu mais donner, nous avons reçu
mille fois plus.
Nous sommes partis pour faire, agir, nous avons vécu, (re)ssenti,
vu…
Comment
comprendre une telle différence de conditions de vie, de cultures,
de valeurs et en même temps cette proximité, cette ressemblance,
cette familiarité tout simplement humaine ? La plus grande leçon
je commence à peine à la saisir. Ces enfants ont tout pour être
malheureux, ou plutôt n’ont rien pour être heureux, selon nos
critères. Ce n’est pas un mythe ! Ils n’ont rien : pas de maison,
pas d’argent, pas d’eau, pas d’électricité, pas de sanitaires,
pas de vêtements, pas de médicaments, pas de jouets, pas de
matériel scolaire…Rien !
Alors,
comment arrivent-ils à donner autant de vie, d’amour, de joie…
? C’est quelquechose que l’on n’arrive pas à admettre, à comprendre
: ils sont heureux… , malgré tous ces manques, ces absences
: les enfants sont heureux. C’est délicat de dire cela, parce
que réellement pour nous il est impossible qu’ils soient heureux
dans de telles conditions. Cependant, cette joie qu’ils transportent
et qui les transportent est en même temps douloureuse. Ils jouent,
ils chantent, ils dansent…, mais vous pouvez voir cette gravité
dans leur regard. C’est à la fois plus léger et plus lourd,
plus profond qu’on ne peut l’imaginer, loin, avant d’être là
au milieu d’eux.
La joie
est naturelle pour les enfants, et ces conditions de vie, bien
souvent, ils n’en ont pas conscience, dans le sens ou ils ne
savent pas forcément qu’il peut en être autrement ailleurs.
Alors, ils sont des enfants comme les autres. Pourtant, il y
a cette gravité qui arrive très vite, trop vite : un nouveau-né
à s’occuper dans la famille, un père alcoolique ou malade, l’âge
de travailler (8, 9, 10 ans…) et ces enfants ne sont plus tout
à fait des enfants. Cette responsabilité qui pèse sur leurs
épaules les rend adultes bien avant l’heure.
Ainsi quand
on est avec eux, qu’ils nous demandent pourquoi on est venu
de si loin, que peut-on répondre ? Il y a un silence… et puis
on leur dit doucement que l’on est venu pour les connaître,
parce qu’on les trouve formidables de courage, de force et de
solidarité, et que l’on aimerait les montrer en exemple chez
nous. Mais dire que l’on est venu pour les aider ? … Nous étions
très heureux de pouvoir, grâce aux dons des membres et partenaires
de KEO, leur apporter quelques vêtements, médicaments, jouets
et améliorer un peu leurs conditions d’éducation avec du matériel
scolaire ou des travaux de rénovation. Mais c’est tellement
peu… surtout quand on sait leur nombre et tout ce qu’il y aurait
à faire.
Alors,
tout à coup, on a l’impression de ne plus très bien comprendre.
On penche parfois, découragés, vers une vision négative : a
quoi bon ? il y a trop à faire ! et puis après tout ils sont
heureux…
Mais non, ce n’est pas ça que je veux retenir ! Ce dont je me
souviendrai personnellement, c’est que chaque geste est utile
: les fonds versés par des donateurs étrangers, l’aide d’un
organisme international, une réforme de l’Etat, le parrainage
d’un enfant, l’envoi d’une collecte de vêtements… à chaque niveau,
penser et agir pour l’Autre est utile.
Moi, vous
savez quel est le moment ou je me suis sentie la plus utile
? Ce n’est pas en donnant un chèque ou un carton de médicaments
aux responsables de l’ONG ou même en distribuant un jouet à
un enfant… c’est un soir, en repartant d’un village, lorsque
j’ai serré fort la main d’une petite fille tout le long du chemin
sur lequel elle voulait m’accompagner dans le noir jusqu’à la
grande route… C’est tout, c’est peu, mais ça compte pour elle
et pour moi… et ce geste tout le monde peut le faire, partout…"
Marion
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