Portraits : des hommes d'exception

Voici un extrait de l'article consacré à la présentation de Jeeva Jyothi : L'espoir de Jeeva Jyothi : portrait d'une ONG unique

(...) Mais rien n'incarne mieux la philosophie de Jeeva Jyothi que la vie de deux de ses membres phares, son Fondateur et Directeur Susai Raj et celui qui constitue le meilleur ambassadeur de l'association à l'étranger en accueillant ses bénevoles, Deva ….. Laissons les parler d'elles-memes, tout simplement, elles vous expliqueront bien mieux que mes mots l'espoir que représente Jeeva Jyothi dans une société indienne encore cadenassée et discriminante.

Susai Raj a grandi dans la rue, comme les enfants qu'il accueille aujourd'hui. Il a connu le travail pendant l'enfance et c'est par son engagement politique constant qu'il est parvenu à la situation de confort materiel et de reconnaissance sociale qui est la sienne aujourd'hui. Depuis l'adolescence, il s'est battu pour faire reconnaitre les droits des travailleurs et de la personne humaine à ses employeurs, un engagement qui lui couta trois années d'emprisonnement et la confiance de son parti qui l'envoya à l'etranger pour parler de qu'il avait vécu en tant qu'enfant des rues et des droits de l'homme tels qu'ils étaient respectés en Inde. Il se maria par amour. Sa fille fit de meme et le prétendant n'aurait plus eu droit de visite s'il avait eu l'audace de demander une dot.
Susai Raj est né chrétien mais a renié depuis longtemps son appartenance à une seule religion. Il parle de spiritualité et n'est pas sans rappeler les précurseurs de la Societé Théosophique qui s'installèrent à Chennai au XIXe siècle pour poursuivre leur quete de la religion supérieure qui unifiera toute les croyances car Dieu est le meme pour tous. Et ses convictions se retrouvent dans Jeeva Jyothi qu'il a voulu intrinsèquement laique, une exception dans le panorama des ONG indiennes majoritairement confessionnelles.

Deva, quant à lui, a decidé d'opter pour la voie cléricale lorsqu'il avait 15 ans. Il faut, dans l'Ordre espagnol auquel il appartenait, étudier pendant 15 années avant d'etre ordonne pretre. Il en acheva 14 durant lesquelles il partit enseigner la lecture, l'écriture et l'anglais aux populations tribales de la jungle bordant Calcutta. Il renonça à l'ordination car il savait que le fait d'etre pretre serait un obstacle dans la mise en oeuvre des projets de développement dont les populations hindoues et musulmanes ont elles aussi tant besoin. Il choisit de devenir travailleur social pour ne pas avoir à cesser son travail le soir venu car les règles de son Ordre veulent que les portes du séminaire se ferment à 18h.
Deva travaille donc, presque fanatiquement, chaque jour, chaque soir, profitant des dimanches où il ne se rend pas sur le terrain pour donner des cours de cette danse folklorique qu'il aime tant aux enfants défavorisés de Chennai. Il aimait une cadette, la famille lui proposa sans compromission un mariage arrangé avec l'ainée. Il ne laisse rien paraitre de l'effort qu'a du représenter le choix de ne jamais s'unir à personne, ni à Dieu ni à la femme qu'il aimait. Mais Deva n'est pas homme à revenir sur ses décisions. Il veut adopter une petite fille, pour son sourire et pour le symbole que cela représente dans une société indienne où l'infanticide et l'avortement selectif sont encore en vigueur. Je suis sur qu'il sait qu'il est en lui-meme un symbole, refusant la voie cléricale qu'on lui avait tracée, les conventions d'un mariage sans amour, la norme de fonder famille, le scandale de l'homme seul adoptant une fille. C'est lui peut-etre, plus encore que Susai Raj qui incarne Jeeva Jyothi, par le sourire qu'il fait monter aux lèvres des enfants qui s'accrochent à chacun de ses pas, et par ses apostrophes parfois brutales aux parents dont les enfants sont dans les rues. Lui ne cherche plus comme Susai Raj de spiritualité transcendent les religions. Il les nie en bloc car il sait qu'elles sont porteuses de bien des maux de l'Inde. Et ce sont ses mots qui résument le mieux tout l'espoir qu'il nous faut fonder en Jeeva Jyothi : "Apprenons à nos enfants à croire en l'homme, pas en un Dieu qui les divise".


Anne-Lise