Questionnaire
soumis à M. Susai RAJ, directeur de l'ONG Jeeva Jyothi
1. Comment le système scolaire public fonctionne-t-il en Inde ?
De l'entrée à l'école
jusqu'aux examens finaux, il règne la plus grande confusion. De nos jours,
les écoles publiques, au lieu de demander des frais de scolarité, recherchent
essentiellement des fonds pour construire de nouvelles écoles, rémunérer
le personnel enseignant, couvrir les frais de maintenance… par le biais
notamment de dons, à l'image des écoles privées.
Ainsi, les écoles publiques font concurrence au privé. En outre, il n'y
a eu aucun changement en ce qui concerne les programmes scolaires et les
méthodes d'enseignement qui prennent le chemin d'une éducation plus "
moderne ", une éducation à l'anglo-saxonne. Cependant, ce type d'éducation
ne présente aucun intérêt pour les enfants car le système scolaire
indien ne prends pas en compte les besoins réels ; par exemple, pour
100 élèves, il n'y a que 2 enseignants !
Dans de nombreux villages,
l'absence de certificats de naissance empêche les enfants de s'inscrire
à l'école. De plus, jusqu'à l'arrivée du personnel enseignant, l'école
reste fermée, laissant les élèves livrés à eux mêmes ; et dans
les cas où il n'y a pas d'instituteurs, les enfants profitent de vacances
illimitées…
Les classes de 1ère, 2e et 3e n'étant dirigées que par un seul enseignant,
et les classes de 4e et 5e par un autre enseignant, on imagine facilement
leurs difficultés de dispenser des cours adéquats et personnalisés, sans
compter les nuisances sonores que peuvent provoquer deux ou trois classes
d'élèves réunies.
Du coup, le gouvernement
qui doit pourtant fournir l'accès à une éducation de qualité et gratuite
pour l'ensemble de la population a encouragé les initiatives privées,
échouant dans sa mission d'éducation publique. L'école a donc été considérée
comme un marché, un " business ", par le privé, et le gouvernement
n'a pas fait le nécessaire pour enrayer ce phénomène. Au contraire, l'Etat
a laissé s'installer ce fardeau pour le peuple.
2. Y a-t-il une volonté véritable de la part du gouvernement de développer
l'éducation ? Y a-t-il eu des réformes, des modifications… ?
Comme le gouvernement
s'est désintéressé de l'éducation, la motivation des élèves a chuté, au
point d'entraîner la fermeture de nombreuses écoles. De plus, dans beaucoup
de villages, les enfants doivent marcher plusieurs kilomètres avant d'arriver
à l'école ; à cause de cette distance à parcourir, les filles aînées sont
défendues de se rendre à l'école.
Comme les budgets nécessaires pour couvrir les salaires des enseignants
et engager de nouvelles équipes pédagogiques font défaut, l'école n'est
plus considérée comme une expérience " heureuse " mais a un goût amer…
De nombreuses recommandations
proposées par des comités ont été mises en pratique ; mais s'il apparaît
facile d'émettre toutes sortes de propositions utopiques pour développer
l'éducation, mettre ces propositions en pratique sous-entend la réalisation
de nombreux changements au sein même du ministère.
Pourtant quelques
changements ont eu lieu ces dernières années :
- Auparavant, on interrogeait les élèves sur les leçons enseignées. Cette
méthode confirmait la présence d'un réel système scolaire.
- Aujourd'hui, à partir de problèmes concrets, on demande aux enfants
de trouver le moyen de prendre en main ces problèmes de manière individuelle,
en améliorant leur capacité d'autoanalyse.
- Au lieu d'apprendre des leçons par cœur pour les examens, la culture
générale, les activités manuelles et l'art sont privilégiés.
- Les programmes proposés par le gouvernement central et l'État sont directement
liés à la participation active de la population.
3. Y a-t-il un secteur de l'éducation qui est privilégié ? Plus
développé ?
A partir du moment
où le primaire lui-même est négligé, le secondaire et le supérieur restent
difficilement accessibles aux élèves. Par manque de salles de classes,
les cours ont lieu sous un arbre, dans la nature ou à la cantine, ce qui
ne permet pas réellement une concentration des enfants. D'autre part,
comme le primaire ne remplit pas sa mission, les classes supérieures ne
sont pas accessibles aux enfants des villages.
Il n'y a eu aucune amélioration dans aucun des niveaux scolaires, et le
développement des sciences, la stimulation intellectuelle ainsi que le
savoir de base n'ont pas été actualisés. Au contraire, la pratique du
" par cœur " est utilisée du primaire jusqu'aux plus hauts niveaux de
la recherche en Inde.
4. L'éducation est-elle gratuite ? Jusqu'à quel âge ? Quelle classe ?
Les lois existantes,
renforcées par la politique du gouvernement, stipulent que l'éducation
est gratuite du primaire au supérieur, mais du fait des besoins matériels,
des frais d'inscription sont collectés à tous les niveaux du système
scolaire. Même si ces frais sont moins élevés que dans le secteur privé,
cette pratique existe tout de même. Dans les écoles publiques, les associations
de parents d'élèves et d'enseignants (PTA, Parents Teachers Association)
participent à l'amélioration de l'éducation. Pour développer l'éducation
et accroître le nombre d'écoles, le ministère de l'éducation a donné le
droit à ces groupes de demander des droits d'inscription. Et 90% des écoles
pratiquent désormais cette méthode.
En outre, au sein des écoles publiques, seuls 60% des postes d'enseignants
sont pourvus, les 40% restants doivent leur existence aux PTA. Grâce aux
fonds collectés, le personnel supplémentaire est rémunéré sur 12 mois.
Il est inscrit dans la loi que l'éducation est gratuite jusqu'à l'âge
de 14 ans (classe du 10th std).
5. Existe-t-il un secteur privé de l'éducation ?
Dans le privé, les
parents d'élèves paient plus cher. Comme ces établissements dispensent
aux élèves une éducation de qualité et offrent des infrastructures de
travail idéales (salles informatique, laboratoires, hall de rencontres,
uniformes…), les parents sont plus facilement enclins à inscrire leurs
enfants dans le privé, même s'il leur faut emprunter de l'argent.
L'éducation est devenu
pour beaucoup un véritable marché et le gouvernement, en laissant s'installer
un tel phénomène, a empêché la réalisation du droit à l'école pour tous.
On peut en effet voir plusieurs écoles privées dans une seule rue !
Légalement,
seules les écoles ayant de véritables infrastructures ont le droit de
fonctionner. Mais dans la réalité, lorsque les écoles publiques n'ont
plus de toit, ni d'eau potable ou de sanitaire, et continuent pourtant
de fonctionner, comment peut-on exiger du privé qu'il possède ces infrastructures
pour ouvrir des écoles ? C'est le côté le plus triste de la loi.
Du coup, toutes ces
écoles privées continuent de fonctionner, malgré l'absence parfois de
structures adéquates et aux normes, mais aussi dans la mesure où elles
ne sont pas reconnues par les autorités. D'après les statistiques de l'an
dernier, le gouvernement a reconnu 45 000 écoles privées. 10% de la totalité
des écoles du privé ne bénéficient pas de cette reconnaissance.
6. Le gouvernement travaille-t-il avec ce secteur privé ?
Comme la plupart des
écoles privées sont financièrement stables, le gouvernement est de plus
en plus attiré par ce système et nombre d'entre elles bénéficient de concessions.
Attirées par le profit, les écoles privées fleurissent.
Les écoles privées qui sont prêtes à offrir une éducation de qualité conformément
aux lois sont nécessairement analysées, observées et surveillées par le
gouvernement. Sans être officiellement reconnues par les autorités légales,
de nombreuses écoles privées ouvrent tout de même leur porte, sans véritable
infrastructure mais avec l'espoir d'en tirer profits. Cet aspect montre
clairement la responsabilité de l'État concernant la transmission du savoir.
De plus, certaines écoles qui bénéficient d'aides publiques se consacrent
plus au management qu'à l'enseignement proprement dit.
7. Que pensez-vous du système scolaire public en Inde ? Quels sont
ses avantages ? Ses inconvénients ?
Le système scolaire
en Inde dispense essentiellement les bases de l'éducation : l'écriture,
les mathématiques et la culture générale. Aujourd'hui, le nombre de livres
et de méthodes d'enseignement ont considérablement augmenté, et ont fini
par accabler les enfants, du primaire jusqu'au 12th std. Dans les villes
les plus développées, les enfants apprennent par la télévision ou les
ordinateurs, et passent leurs examens par mail.
Mais dans les PED, et particulièrement en Inde, les méthodes d'apprentissage
ou d'examens ne sont pas simplifiées, au contraire, on abrutit les enfants
avec des livres qui coûtent cher aux parents. Les programmes devraient
être revus et devraient s'adapter à la situation de la population indienne,
en enseignant par exemple comment préserver l'environnement, l'eau de
pluie, la moisson, montrer l'importance de l'agriculture, des produits
agricoles naturels, sans conservateur ni fertilisant, rappeler le sens
l'Humanité, de la fraternité, de l'esprit de l'Inde, respecter les comportements
humains (religions, coutumes, croyances)…
Il y a encore quelques
années, l'école était réservée aux plus hautes castes de l'Inde et on
se gardait bien d'encourager les autres castes encouragées à aller à l'école
pour s'instruire. La colonisation britannique a tout changé : l'école
devait permettre au gouvernement anglais de se maintenir au pouvoir. Aujourd'hui,
cette pratique de l'école a dérivé et impose aux élèves d'apprendre par
cœur des programmes scolaires inadaptés.
De plus, des pratiques de châtiments corporels persistent au sein de l'école
et dissuadent les enfants. Ces méthodes doivent disparaître et l'école
doit pouvoir attirer les enfants comme un aimant.
Bien que le système ait subi quelques modifications, même s'il existe
encore du chômage, de la pauvreté, des dettes envers les pays occidentaux,
le lien avec les autres pays perdurera. Même si l'Inde a obtenu son indépendance,
elle reste un pays en développement, et cela perdurera 500, voire 5000
ans, si le système éducatif ne change pas.
En effet, par la modernisation et l'occidentalisation des programmes,
les petits indiens n'apprennent pas ce qui leur est nécessaire. Ce système
est un véritable frein au développement du pays et à l'autoanalyse.
Les
différences entre le secteur privé et le secteur public de l'éducation
ÉCOLE
PUBLIQUE
|
ÉCOLE
PRIVEE
|
Réussite
moyenne des élèves. |
Bonne
réussite des élèves. |
100%
des élèves sortants n'ont pas terminé leur scolarité. |
La
totalité des élèves sortants a effectué une scolarité complète. |
Les
gens pensent que le public est moins cher. |
Les
gens sont attirés par le privé. |
Frais
d'inscription réduits mais inabordables pour les classes les
plus pauvres, par manque de conscience, analphabétisme, manque de
soutien parental, chômage, pauvreté, emplois à temps partiel, immigration,
trop d'enfants… |
Frais
d'inscriptions élevés, seulement pour les parents riches
ou pour des parents qui s'endettent. |
Apprentissage
de la langue difficile (principale barrière à l'accès au supérieur). |
Bon
apprentissage de la langue. Les parents souhaitent que leurs enfants
parlent l'anglais. |
Le
programme scolaire n'est pas adapté aux élèves. |
Bon
niveau des élèves qui se situent au dessus du programme normal. |
Manque
d'infrastructures (manque de fonds du gouvernement). |
Infrastructures
adaptées, acquises grâce aux frais d'inscription élevés. |
Mauvais
système de surveillance. |
Bon
système de surveillance. |
Le
public donne mauvaise réputation à ses élèves. |
Le
privé donne une bonne réputation aux élèves. |
Bon
salaire pour les enseignants mais 40% des postes restent vacants. |
Salaires
moyens mais tous les postes sont attribués. |
Le
personnel enseignant quitte l'école avant les heures de fermeture
de l'école. |
Le
personnel enseignant travaille même après les heures de fermeture.
|
Sauf
exceptions, la plupart des enseignants ne s'engagent pas véritablement
dans leur travail. |
Les
enseignants sont obligés de s'investir dans leur travail. |
Excepté
quelques uns, les élèves, après la classe de 10e ou 12e, retournent
chez eux, reprennent le travail de la famille, se marient… |
Les
enfants entrent pour la plupart dans des classes professionnelles
ou font des études supérieures. |
Les
étudiants qui parviennent à accéder au supérieur n'ont souvent pas
les moyens de payer le matériel scolaire ou les frais d'inscription
nécessaires. Ils se trouvent souvent dans l'obligation d'arrêter leurs
études faute de moyens, ou de trouver un travail à mi-temps. |
Les
étudiants continuent leurs études sans aucune préoccupation. |
Élèves
peureux et moins compétents. |
Élèves
audacieux et compétents. |
Peu
d'activités extra-scolaires. |
Implication
dans des activités extra-scolaires. |
Changements
ou réformes du secteur public de l'éducation en Inde
Changements
actuels positifs
|
Points
négatifs nécessitant des réformes
|
Peu
de changements concernant les méthodes d'apprentissage. |
Les
frais de scolarité trop élevés. |
Des
comités pour le développement de l'éducation sont présents dans toutes
les écoles et permettent la participation de la population, mais ces
comités doivent être plus actifs. |
Mauvaises
infrastructures, manque d'enseignants. |
Certaines
concessions sont admises lors de l'inscription à l'école : les certificats
d'études dans le privé sont acceptés si les parents ne présentent
pas le certificat de naissance. |
Pas
suffisamment de matériels pédagogiques et scolaires (uniformes, cahiers,
livres) pour tous les élèves inscrits. |
Pendant
une période de 2 mois, on encourage les enfants à s'inscrire à l'école. |
Le
matériel n'est pas fourni à temps. |
Les
enfants qui n'ont pas été scolarisés peuvent aller à l'école dans
n'importe quelle classe avant la 9e, grâce au système d'éducation
non formelle ou d'écoles transitoires. |
L'atmosphère
des écoles devraient plus accueillante pour les enfants. |
Beaucoup
d'enfants profitent du droit à l'éducation gratuite. |
La
surveillance des écoles doit être renforcée. |
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Les
examens devraient être supprimés pour éviter que les enfants aient
peur d'échouer. |
|
Des
bibliothèques devraient être accessibles dans les écoles pour cultiver
l'habitude de lire. |
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Les
élèves qui ont des difficultés à suivre devraient pouvoir être aidés
par un éducateur. |
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Il
faudrait accroître la participation des parents grâce aux PTA. |
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Les
châtiments corporels devraient être supprimés. |
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Les
activités extrascolaires devraient être privilégiées. |
|
On
devrait prévoir dans les programmes la pratique du sport, ainsi que
des sorties éducatives. |
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La
présence d'une équipe médicale au sein des établissements serait souhaitable.
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