Les écoles des
bidonvilles de Mettupulayam
C'est dans ce quartier
crasseux , coincé entre les rails du chemin de fer et de vastes étendues
d'ordures sauvages, que nous nous rendons avec Deva. Nous tentons d'abord
de visiter une école secondaire mais la directrice refuse d'être interrogée.
Finalement, nous visiterons l'école primaire du quartier.
Coté statistique, cette école primaire pourrait paraître normale : 240
élèves, 7 professeurs, 35 élèves par classe. Mais ils travaillent sans
chaises, ni tables. Sans salle non plus puisque le couloir de l'école
est envahi par trois classes. Les murs des salles de classes sont recouverts
de tableaux noirs. Ils servent d'ardoises aux enfants : chacun possède
quelques centimètres carrés qui lui sont attribués personnellement.
Mais la plus grande difficulté de cette école réside dans le niveau des
élèves. Ils sont issus de familles extrêmement pauvres, venus à Chennai
pour travailler sur un chantier de construction d'un pont. Ils ont installé
des bidonvilles à l'intérieur du chantier … qui est aujourd'hui arrêté,
par choix politique.
Des familles entières attendent la reprise du chantier, dans leurs taudis
et les enfants ont été accueillis dans l'école voisine. Vu leur situation
sociale, ces enfants manquent de tout, de matériel, d'uniforme, ils présentent
aussi un déficit culturel certain.
Le premier travail a été de leur faire apprendre le tamil, leur langue
maternelle est le telugu. Mais plus qu'une langue, l'école doit leur apprendre
une culture, celle de l'école.
Puis, le soir, nous
nous rendons aux cours du soir organisé par Jeeva Jyothi.
L'association a aussi formé un club d'enfant qui réunit 15 membres actifs,
des enfants de 10-12 ans. Ce sont eux qui tapent aux portes des maisons
pour expliquer aux parents l'importance de l'école. La présidente du club
d'enfants m'explique que le dialogue avec les parents est parfois difficile,
surtout lorsque les parents gardent leurs filles à la maison pour le travail
domestique.
Mais ils obtiennent des résultats : grâce au travail de l'année dernière,
ce sont 23 enfants qui ont repris le chemin de l'école en juin dernier
! Ces enfants avaient cessé l'école pour aller ramasser les chutes de
plastiques dans les poubelles des alentours et les revendre aux fabricants
de chaussures. Ces enfants essayent aussi de constituer un fonds d'épargne.
Ils se fixent pour objectif d'apporter 1 Rs par jour même si, bien souvent,
ils n'ont pas le moindre sou en poche. Ce fonds rejoindra un compte spécialement
rémunéré pour les enfants. Il servira d'assurance sociale à ces enfants
d'un pays qui ne connaît pas les bienfaits de la Sécurité sociale. ·
L'école publique
de Perambur
A quelques foulées
du bureau du Jeeva Jyothi se trouve une école publique où étudie la majorité
des élèves du foyer de JJ. On y va avec Deva pour faire la connaissance
de la directrice et des professeurs qui nous accueillent à bras ouverts
dans l'école (malgré les heures du cours).
L'une d'entres elles est particulièrement enthousiaste pour nous expliquer
son travail quotidien, elle s'appelle Lakshmi. Lakshmi est professeur
depuis 1990. Ou plutôt, elle a terminé l'école des professeurs depuis
1990, il lui a fallu attendre 7 ans pour avoir un poste d'enseignante.
Tout est affaire de corruption.
Pour avoir une place à l'école de formation, il faut payer ; pour avoir
rapidement un poste d'enseignant, il faut payer. Pour les plus pressés,
l'addition peut s'élever jusqu'à un million de roupies (20 000 euros).
Une fortune pour un indien. Elle a dû travailler pour payer sa formation
puis patienter pour obtenir un poste… Maintenant, elle y est ! Enseignante
dans cette école qui accueille 775 enfants de la 1ère à la 8ème standard.
Elle et ses quinze collègues se partagent les enfants, elle a la charge
d'un groupe de 1ère et 2ème standard. Elle est plus que fière de travailler
dans une école publique et de transmettre un peu de savoir aux enfants
les plus pauvres. Ses élèves sont assis sur le sol, répartis en trois
groupes d'une vingtaine de gamins. Ils y apprennent le tamoul et les maths
par des méthodes très simples. Ils dessinent sur le sol les lettres de
l'alphabet avec de petites graines. Ils comptent les animaux, les fruits
ou leurs fleurs sur des petites cartes… La maîtresse doit travailler avec
un groupe d'une cinquantaine d'enfants. Elle leur a fabriqué des petites
fiches qu'ils peuvent utiliser individuellement. Chacun travaille et attend
le passage de la maîtresse. Elle leur apprend aussi des chansons et organise
une activité dessin quotidiennement : il s'agit de remplir un grand panneau
sur la météo du jour.
Lorsque je lui demande ce qu'elle pense du gouvernement, elle me surprend.
" Il fait de grands efforts puisque les livres, la nourriture et les uniformes
sont fournis ! ". Elle pense que chacun doit y mettre du sien pour faire
tourner l'école.
Elle, elle fait ce qu'elle peut pour les enfants. Elle leur fabrique des
fiches pour qu'ils travaillent avec un minimum de matériel, elle leur
trouve aussi parfois des biscuits ou des vêtements…
Sylvain
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