Mysore 29 juillet - 11 août : Enedsa...

La misère dans les gares indiennes

Je suis donc parti de Chennai : 14h de train de nuit et l'occasion de connaître les trains et les gares indiennes. Mon train était à 23h, je suis arrivé 1h30 avant le départ si bien que j'ai pu observer une nouvelle fois la vie nocturne de Chennai. J'ai pu y voir, ici aussi, pleins de gens qui vivent dans la rue, qui dorment sur le sol des gares. Ce sont des familles entières qui vivent ainsi, les enfants les plus petits font leurs besoins à l'intérieur de la gare. Il en ressort une odeur difficile à supporter. Puis un contrôleur de gare est passé avec son grand bâton. Il a chassé tous ces gens en les menaçant avec son baton. Les familles se lèvent alors difficilement et on peut alors se rendre compte de la misère. Les enfants peuvent à peine marcher tellement ils sont maigres, les vieux sont pliés en deux, le résultat d'une vie passée dans la rue. Certains attendent discrètement le passage du contrôleur derrière un poteau pour retrouver leur coin de pavé.

J'ai tout de suite pensé aux récits des camps de la mort, notamment à "Si c'est un homme" de Primo Levi. C'est peut-être exagéré mais c'est une pensée qui m'envahissait lorsque j'observais ces gens déguerpir en boitillant sous les menaces d'un contrôleur. Et puis, Geneviève de Gaulle a aussi comparé la détresse des clochards en France avec sa propre expérience des camps de concentration. J'ai aussi pensé à ma discussion avec Philippe Libois à Pondicherry, il me disait que les enfants des rues s'appelaient eux-mêmes des chiens, car c'était la situation dans laquelle ils étaient. Ils ne sont pas loin de la vérité.

Premières impressions sur Enedsa

Enfin bref, je suis bien arrivé à Mysore et à Enedsa. J'ai pu immédiatemment me rendre compte de certaines tensions au sein de l'association. Mais j'ai eu de la chance de pouvoir rencontrer presque tous les acteurs d'Enedsa : Mary et Satish bien sûr mais aussi Fabienne, Chantale, Fanny. On avait tous besoin d'éclaircir la situation de l'association donc on a pu travailler tous ensemble, éplucher les comptes, parler de nos projets. Je crois qu'on a fait du bon boulot et que la renaissance d'Enedsa est en bonne voie. Je prépare un topo sur l'association donc je ne vous en dis pas plus.

A l'école, les enfants m'ont accueilli avec beaucoup de joie. Ils adorent me serrer la main et tous me demandent "what's your name" avant de déguerpir en riant, content de leur phrase. Les plus grands connaissent quelques mots supplémentaires en anglais "how are you ?", "mother's name ?", "father's name ?". Je fais avec eux de petites activités : saut en hauteur, course, photo, kho-kho (jeu indien : http://levoyagedekeo.free.fr/khokho.htm). Chaque fois, ils sont aux anges, ils n'arrêtent pas de rigoler. Les enfants resteront mon meilleur souvenir de l'Inde.

A la ferme, Mary s'occupe très bien de moi. J'ai été bien content de trouver des gens vraiment chaleureux comme elle, Fatima, Chandru, le petit Pritisha car à Chennai les relations humaines ne sont pas aussi faciles.

Je travaille un peu au bureau en traduisant des lettres en francais. Ca ne me passionne pas mais j'ai pu en savoir un peu plus sur le système de parrainage d'Enedsa. Enedsa possède aujourd'hui 250 parrains qui, en apportant 50 euros par an à l'ONG, constituent la principale source de financement d'Enedsa. Keo a pris position pour changer le système de parrainage et mettre en place une relation indirecte entre le parrain et l'enfant, pour assurer un réél droit à l'éducation sans que l'enfant ne se sente redevable d'un inconnu. Bien sûr, ce serait l'idéal. Mais j'ai pu discuter avec une dizaine de parrains (groupe de yoga présent à la ferme) et il est clair qu'une relation parrain/enfant est un attrait considérable certains parrains. La possibilité de rencontrer l'enfant et sa famille est, pour eux, très importante. En plus, je ne suis pas sûr qu'une relation directe destabilise l'enfant, les élèves d'Enedsa sont quand même moins fragiles que ceux du foyer Jeeva Jyothi.

Personnellement, je pense que le point faible du parrainage d'Enedsa se situe à un autre niveau. En une phrase, 250 parrains, c'est un peu l'usine. Enedsa n'a pas la capacité de récolter beaucoup d'informations sur chaque famille donc l'échange est un peu stéréotypé. Bien souvent, on se contente de dire que l'enfant a une grande famille très pauvre et puis voilà. Ensuite, on envoie des relevés de notes, quelques dessins ou lettres (qui sont "bizaremment" parfois les mêmes entre les enfants). L'échange d'information est réduit au minimum.

Le tourisme équitable

J'ai eu la chance d'arriver à la ferme d'Enedsa en même temps qu'un groupe de yoga de 10 réunionais amené par Fabienne, l'une des partenaires les plus actives d'Enedsa qui a mis en place le parrainage. C'était l'occasion de tester les capacités d'accueil de la guesthouse-ferme d'Enedsa et de parler de tourisme équitable.

La ferme d'Enedsa est maintenant aménagé en guesthouse. Une dizaine de chambres sont disponibles pour accueillir un groupe d'une vingtaine de personnes. Les conditions d'accueil sont vraiment excellentes : la relation avec les indiens est chaleureuse, Mary a l'habitude d'accueillir des étrangers (notamment pour la nourriture), le cadre de la ferme (cocotiers, champ de cacahuètes) est magnifique...

Il y a aussi pleins d'activités à organiser avec Enedsa. A l'occasion de l'anniversaire de Fabienne, les enfants ont fait un petit spectacle de danse. C'était chouette. On a aussi visiter des familles parrainées dans le quartier de Palya où Enedsa travaille depuis une quinzaine d'années (suite à une crise de choléra !). La rencontre avec les familles a aussi été très sympa et on a pu voir quelques productions familiales (baton d'encens, cigarettes bedi) assez impressionnantes. C'est ce type d'activités qui seraient notamment recherchées pour le projet de tourisme équitable. On a aussi visité les sites touristiques : Mysore, le temple magnifique de style Hoysala de Somathpur, des cascades impressionantes, des camps de réfugiés tibétains. La région de Mysore ne manque pas d'atouts touristiques. Le projet de tourisme équitable est donc complétement relancé et devrait essentiellement s'appuyer sur Enedsa et sa guesthouse. Il restait à mobiliser les indiens sur ce projet. Satish a dit que c'était un projet possible mais reste toujours assez passif. Mary m'a demandé beaucoup plus de précisions puis m'a dit que si on organisait un tourisme social, elle organiserait tout sur place. Mary est donc un point d'appui très important, je pense qu'il est important de lui faire passer personnellement les messages de Keo puisque la communication entre Satish et Mary n'est pas bonne et que Mary ne peut pas lire l'anglais. Une solution serait peut être de passer par Fanny.

Une autre question est celle de la promotion du tourisme équitable. J'ai pensé que l'on pourrait afficher le projet complet sur le site de Keo. Une autre possibilité est de travailler avec une autre association, Chantale m'a donné le contact de "Culture et voyage", une association tout nouvelle qui promeut un voyage de tourisme équitable au Sénegal. Une rencontre avec cette association devrait avoir lieu en octobre.

Voilà, pour ces deux premières semaines à Enedsa. Je pars quelques jours en vacances à Hampi et Badami à la découverte des civilisations anciennes de l'Inde (Vijanayagar et Cholukya).

Sylvain