Vendredi 22 août : Carte postale de Madras

Des couleurs, des senteurs, des sourires… Voilà ce dont on devrait uniquement se rappeler d'un voyage en Inde. Pourtant il y a aussi les mains tendues des enfants, les odeurs nauséabondes des eaux croupies du fleuve qui accueillent les sans-abris, les pots d'échappements des bus et des autorickshaws et leurs klaxons infernaux, les difformités des mendiants… Tout ce que le monde a fait de plus beau et de plus laid se trouve à Madras : l'hospitalité et la gentillesse des Indiens feraient presque oublier leurs conditions de vie souvent misérables.

Et moi, riche blanche occidentale, ignorant la faim, le travail pénible, les coups, la fatigue du corps, je péregrine dans les rues clairsemées du jaune, du rouge, du vert, du bleu des saris, parfumées des senteurs agréables des fleurs dans les cheveux des femmes, polluées par la circulation bruyante des autos…

Et quand un enfant, une femme, un vieillard mendie en me regardant droit dans les yeux, je me trouve face à un cas de conscience extrème : quand donner ? quand refuser ? quand ignorer ? Jamas je ne saurais si mon geste a été le bon…

Je ne suis pas encore arrivée en Inde, je me suis egarée quelque part entre mes rêves et la réalité entre l'espoir et l'impuissance, entre l'envie et le dégoût… Perdue dans ma petite chambre au 2e étage de l'orphelinat de Jeeva Jyothi, si proche des enfants et pourtant si éloignée…

Emilie