DISCUSSION ANIMEE SUR L'EDUCATION EN INDE

Ce matin, je me suis un peu inquietée : un des enfants s'est évanoui sur le chemin de l'ecole et dit avoir une forte douleur dans la poitrine. C'est le 3e enfant qui tombe malade en 1 semaine ! Il faut dire que, malgré les visites médicales, ces enfants ne sont pas en grande forme et je pense qu'ils souffrent de malnutrition. En effet, ils ne mangent que du riz matin, midi et soir, certes accompagné de diverses sauces, mais les légumes sont rares et les fruits quasi inexistants… Anne-Lise a déjà prévu d'introduire un fruit par jour dans le menu grâce aux fonds qui seront récoltés lors du parrainage ; néanmoins, pour le moment, le riz est l'aliment de base.

Pour en revenir à notre petit malade, Pandi qui s'occupe des enfants m'a fait appeler pour me demander quel médicament il pouvait lui donner. Bien que je sois capable de lire la notice d'un médicament en francais, je suis loin d'être capable de diagnostiquer quoi que ce soit ! J'ai donc dit que je ne pensais pas que l'antibiotique convienne et j'ai tenté d'expliquer à Pandi que plus que de lui faire du bien, le cachet risquait d'aggraver son état s'il n'était pas adéquat. Je lui ai conseillé d'aller consulter et ensuite de voir si l'antibiotique pouvait convenir…
C'est pour cette raison que je me demande s'il est bien necessaire de faire parvenir des antibiotiques ; en effet, tout cela part de bonnes intentions mais ne peut-on craindre qu'ils soient mal utilisés ?* En revanche, les autres médicaments ne posent aucun problème, et les enfants ne risquent pas grand chose…

J'ai ensuite pu avoir une longue discussion avec Susai et vous pouvez lire à ce sujet l'interview auquel il a bien voulu se soumettre. Une chose m'a particulièrement marquée durant cet entretien : Susai a reçu un coup de téléphone d'une trés ancienne amie d'enfance et à la fin de l'appel, il avait l'air perdu ! En fait, cette amie a perdu son mari qui s'est suicidé il y a quelques années alors qu'elle était enceinte ; privée de ressources, elle est allée trouver refuge chez sa soeur, prostituée et mère de 3 enfants, en demandant de temps en temps à Susai de lui prêter de l'argent. Aujourd'hui, sa soeur est décedée, lui laissant à charge ses 3 enfants, et elle se retrouve sans toit et sans argent, avec 4 bouches à nourrir… Susai me dit qu'il reçoit de nombreux appels de femmes dans des situations inextricables, et il avoue ne jamais savoir quoi faire ; celles-ci lui demandent de l'argent ou du travail, et quand il ose refuser, il a le coeur en mille morceaux ! Mais comme il dit, Jeeva Jyothi ne peut pas venir en aide à tous les nécéssiteux de Chennai, même si telle serait leur volonté, et la frontière entre ce qui fait partie de la mission de Jeeva Jyothi et ce qui n'en fait pas partie est terriblement difficile à tracer pour le directeur…

Cet après-midi, Susai Raj avait organisé pour moi une rencontre avec deux de ses amis, eux-aussi responsables d'ONG spécialisées dans l'éducation et le droit des enfants, M. N. Vidnyadharan et M. Rajendran, et un membre du département de l'éducation du Tamil Nadu, M. J. Inbaraj. Avant l'arrivée de ce dernier, nous avons eu une discussion intéressante sur le sujet qui me tient particulierement à coeur : les liens entre le gouvernement et les ONG en matière d'éducation non formelle. Ils m'ont donc expliqué que ces liens étaient inexistants ; en effet, ils estiment que les documents publiés par le gouvernement et qui mettent soit-disant en relief ce partenariat gouvernement-ONG font partie d'une campagne de promotion pour l'éducation non formelle, une véritable propagande afin de s'assurer les grâces de l'UNESCO et les financements de la Banque Mondiale. Mais lisez plutôt mon article ONG - gouvernement : un dialogue de sourds. Enfin, l'echange a été vif et trés intéressant !!! Mais je ne vous en dis pas plus, je prépare un petit article sur la question…

Emilie

* NDLR : Keo achemine des cartons de médicaments aux ONG partenaires grâce aux dons de Pharmaciens Sans Frontières. La politique de Keo comme de PSF est de ne donner que du Paracétamol et du matériel sanitaire de base, mais pas d'antibiotique, pour le risque soulevé par Emilie.