Jeudi 25 septembre: Une journée dans les balwadis des Red Hills

C'est en compagnie de Deva, mon guide dévoué, que je me suis rendue, jeudi matin, dans le quartier des Red Hills. Une demi heure de bus pour sortir de la ville puis quelques kilomètres en auto rickshaw pour se retrouver dans un village composé de quelques huttes sombres sur la terre rouge-orangé qui a donné son nom aux Red Hills.

Nous sommes dans le village de Panmadukulam. Sous un soleil de plombs, nous traversons le village en direction d'une petite maison de terre qui abrite un des balwadis (voir article d'Anne-Lise Reve) créé par Jeeva Jyothi.
Là, dans une minuscule pièce sombre et poussiéreuse s'entassent trente enfants entre 1 et 4 ans aux cheveux sales et vêtus de haillons.
Ils me regardent d'un air étonné, amusé, apeuré pour certains. C'est la première fois qu'ils voient une étrangère et c'est vrai que cela peut surprendre : mes cheveux roux et courts, ma peau blanche, mes yeux verts, il y a tellement de différences !

La jeune femme qui s'occupe d'eux et leur sert d'institutrice nous accueille chaleureusement, fière d'exhiber ses quelques livres aux couleurs flétries et les petites cartes de jeux cornées dont elle dispose. On me tend une chaise, la seule chaise de la petite maison, et me voilà assise au milieu de la pièce, alors que l'institutrice pousse les enfants au devant moi et les encourage à me chanter des comptines et à réciter l'alphabet qu'ils connaissent jusqu'à la lettre G.

Nous sommes loin de nos écoles maternelles lumineuses et gaies, mais le travail de cette institutrice, avec les moyens du bord, est surprenant. Les enfants apprennent chaque jour les rudiments de l'éducation au lieu de errer, seuls, sur les chemins poussiéreux du village. Ils sont surveillés et nourris, ils jouent. Ces enfants auront peut-être la chance d'aller a l'école dès l'age de cinq ans.

C'est un sentiment de malaise qui s'est emparé de moi en sortant de la petite crèche. Je ne suis pas à ma place ici et ne le serai jamais.
Qu'étais-je venue faire au juste ? Que puis-je faire pour ces enfants et tous ces gens qui se retournent sur mon passage ? C'est leur regard qui me fait le plus mal. Ce regard d'adoration, d'envie, d'attente. Comme s'ils attendaient de moi que je les sauve de la misère, que je les emmène avec moi vers un monde ou les gens mangent a leur faim et ou la vie est facile, ou les enfants rient et vont a l'école tous les jours… Je me sens impuissante et coupable. Moi, riche occidentale aux cheveux propres et aux habits neufs, je les regarde vivre, je regarde la misère et la pauvreté et j'ai honte de regarder. Tout ce que j'ai vu ici je le connaissais déjà, je l'avais lu dans les livres, j'avais vu des photos…maintenant j'ai vu et ce que j'ai vu dépasse ce que je ne pouvais qu'imaginer.
Je ne peux que leur sourire et donner la main aux enfants. Demain rien n'aura changé et je serai de nouveau chez moi.

Alexandrine