Les Cours de soutien scolaire, ou Comment restaurer l'égalité des chances chez les plus défavorisés ?

 

Dans la grande majorité de ses zones d'intervention, Jeeva Jyothi a mis en place des cours de soutien scolaire afin d'assurer le suivi des enfants qu'elle est parvenue à scolariser au terme de ses campagnes d'enrôlement à l'école. Ce suivi ne se limite pas là en ce sens où les travailleurs sociaux de l'ONG se rendent chaque semaine dans les écoles du quartier pour enregistrer les nouveaux inscrits qu'ils ont su convaincre et pour faire le point avec les professeurs sur l'assiduité et les résultats de ses pupilles. Le cas échéant, ils se rendent dans les familles pour responsabiliser les parents et résoudre les problèmes rencontres par les enfants.
Cependant, l'action de l'ONG ne peut se limiter à ce dialogue constant avec les familles pour scolariser puis suivre les progrès de l'enfant. Elle doit en effet lui donner les moyens de réussir dans un univers étranger auquel sa situation familiale ne l'a guère préparé. De fait, la majorité des enfants que Jeeva Jyothi met sur les bancs de l'école constituent la première génération de la famille à avoir accès à l'éducation. Leurs parents sont donc illettrés et souvent très peu investis dans la scolarité de leurs enfants. De plus, ces familles à la condition précaire vivent généralement dans des logements insalubres où tous partagent une seule pièce dans laquelle ils mangent, travaillent et dorment, ce qui ne laisse aucun endroit calme aux jeunes élèves pour étudier au retour de l'école.

Dans ces conditions, les cours de soutien scolaire que l'ONG a mis en place répondent aux problèmes majeurs rencontrés par ces enfants pour qui l'égalité des chances est un vain mot. Ces cours se tiennent chaque soir, une à deux heures durant, et sont supervisés par le travailleur social de Jeeva Jyothi en charge du quartier. Ils ont généralement lieu dans la salle louée par l'ONG dans laquelle se tiennent également ses Clubs d'enfants et de femmes. Cependant, c'est parfois avec le ciel pour seul abri que les enfants se retrouvent chaque soir. Là, ils font seuls leurs devoirs et demandent l'aide de l'adulte ou des plus grands lorsqu'ils font face à des difficultés. Puis l'éducatrice (c'est une femme dans l'écrasante majorité des cas) leur donne de petits exercices de lecture et d'écriture ou d'approfondissement des connaissances qu'ils ont acquis dans la journée. Les enfants trouvent donc dans ces classes un endroit calme pour étudier, une aide en cas d'incompréhension et un moyen de renforcer les acquis de la journée.
Mais les cours du soir sont aussi un moment privilégié où les enfants peuvent se retrouver en dehors de l'école, dans un cadre moins formel. Ils peuvent y discuter librement des problèmes qu'ils rencontrent, ces cours préparant d'ailleurs généralement leur intégration aux Clubs d'enfants au sein desquels ces échanges sur les droits et leurs difficultés seront évoquées de façon plus approfondie.
Dans les quartiers les plus difficiles où le travail des enfants sévit encore, ces cours du soir offrent également aux enfants la seule occasion de la journée de se détendre et de jouer. Le travailleur social mêle alors l'étude et le jeu ou la danse afin d'éveiller autrement que par l'école ces enfants très fragilisés par leur univers familial.

Ces cours du soir permettent ainsi de lutter efficacement contre l'échec scolaire menant généralement l'enfant à l'abandon pur et simple de l'école. Les directrices d'école rencontrées témoignent d'ailleurs bien volontiers de la réduction du nombre de cas d'abandon depuis la mise en place des cours de Jeeva Jyothi. L'ONG suscite donc ainsi le goût de l'école tout en donnant à ses enfants les moyens d'y réussir au même titre que les enfants issus de milieux économiquement et culturellement plus favorisés.

Mais laissons nous guider sur les traces de deux de ces cours du soir un peu particuliers…

Le quartier de Subramani Taottam héberge des familles de coolies, de vendeurs de fleurs ou de tenanciers de petites echopes, Musulmans et Hindous y vivant passivement cote à cote sans jamais réellement se mêler. L'originalité des cours du soir que Jeeva Jyothi a mis en place ici est qu'ils sont délivrés non pas par un de ses professeurs mais par un élève totalement autonome que l'ONG a formé à ce genre de travail. Ce courageux novice qui fait seul la classe deux heures chaque jour à près de 25 enfants agés de 6 à 15 ans, c'est Surya, 15 ans, étudiant en 11e standard (l'équivalent de notre Première).
Le petit groupe s'installe au pied du temple de Siva, avec le ciel pour seule infrastructure, et Surya distribue à chacun lectures, devoirs et conseils. Sa ferveur et son assurance sont impressionnantes, face à sa classe si hétérogène et lorsqu'il dit combien il aime enseigner. Ce qu'il ne sait pas encore, c'est que Jeeva Jyothi compte faire de lui l'éducateur titulaire des cours du soir au terme de ses études tant les stages de formation en ont fait un bon professeur. L'ONG répond ainsi a un de ses objectifs ; former dans la communauté même les hommes et les femmes qui prendront en charge son développement futur. Et Surya a déjà indéniablement la carrure du travailleur social lorsqu'il s'adresse aux adultes récalcitrants de son quartier afin de les encourager à inscrire leurs enfants aux cours du soir pour leur donner une chance supplémentaire.

L'organisation des cours du soir est différente dans les Red Hills, une zone rurale qui doit son nom à la couleur rouge de sa terre. C'est là que sont concentrées les usines de riz ayant mis en esclavage des familles entières et où les enfants sont donc particulièrement fragilisés et victimes eux aussi du travail forcé. Du fait de l'absence quasi totale de stimulation pratique et intellectuelle dont ils ont fait l'objet dans leur prime enfance, ils ont besoin plus encore que les autres d'aide pour s'intégrer à l'école. Les cours de soutien scolaire visent donc à renforcer les connaissances acquises durant la journée, à expliquer inlassablement les points d'ombre et à préparer aux difficultés de la leçon suivante pour que l'enfant ne perde pas pied le lendemain. Mais ils sont aussi l'occasion d'apprendre à ces enfants à vivre ensemble et a être solidaires face à un monde extérieur qui leur était jusqu'alors totalement inconnu, ayant passé leurs premières années derrière les portes closes des usines. Enfin, ils profitent de ces cours du soir pour se reposer un peu, pour rire et pour jouer entre le stress de l'école où ils sont parfois victimes de ségrégation de la part des autres élèves du fait de leur immaturité psychologique et intellectuelle, et le travail qui les attend dès le retour à l'usine.

Les cours de soutien scolaire de Jeeva Jyothi constituent donc sans conteste une grande réussite en terme de lutte contre l'abandon scolaire et pour l'instauration de l'égalité des chances à l'école. Mais au-delà de leur fonction scolaire, ces cours permettent également d'éduquer les enfants autrement, par le jeu, le dialogue et la solidarité qu'ils y apprennent, façonnant ainsi des êtres responsables, conscients de leurs droits et prêts sont s'intégrer au monde extérieur.